D'ailleurs, voici ce qu'on peut lire dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère - Tome VII - 1879-1880 :
"La foire de Saint-Corentin d'hiver qui se tenait le 11 décembre, veille de la fête du patron de la Cornouaille armoricaine, était jadis l'une des foires les plus importantes de Quimper, sinon sous le rapport des transactions commerciales, au moins au point de vue de la grande affluence d'étrangers à laquelle elle donnait lieu. C'est ce jour, en effet, et cette coutume n'a pas cessé d'exister, que les domestiques de la campagne venaient en ville pour faire leurs gages losrqu'ils étaient congédiés ou que l'espoir d'un bénéfice si mince qu'il fut, les portait à chercher de nouveaux maîtres ; ou pour me servir du terme consacré, de nouvelles conditions. Au 22 novembre, fête de Sainte Catherine, expirait l'engagement des serviteurs. A cette date, dit le proverbe breton, le maître devient valet :
Da c'hoel Gatel
A ia ar mestr da vevel.
Aussi dès le matin de ce jour, les pavés mal alignés des rues de la ville résonnaient-ils sous les lourds sabots ferrés d'une multitude de domestiques des deux sexes et de tout âge depuis le vieillard blanchi dans son vassilage, jusqu'au misérablee paotr saout qui se gageait pour sa nourriture et une paire de sabots, ce qui ne l'empêchait pas de se croire un homme, prétention qu'il exprimait d'ailleurs en criant à tue-tête : Me zo den, ha mab den, ha den ma unan "Je suis homme, fils d'homme, homme moi-même."
Si les serviteurs affluaient en ville, les maîtres ne manquaient pas non plus qu'ils fussent gentilshommes ou simples fermiers, car un intérêt réciproque abaissait dans cette occurence les barrière que leur condition sociale élévait entre ces diverses catégories de personnes.
Une autre circonstance qui ne pouvait pas manquer d'attirer à Quimper un grand nombre de visiteurs, c'est que la saint Corentin qui se célébrait, je le répète, le lendemain de la foire, était la fête patronale de cette ville. On n'ignore pas quelle dévotion avaient surtout les habitants des campagnes pour Saint Corentin, l'un des septs (sic) saints de Bretagne, et, comme l'appelle poétiquement le P. Maunoir, " le premier des sept astres du firmament breton."
C'est pendant ces deux jours, et seulement à cette époque, que les boulangers forains des paroisses voisines venaient vendre à Quimper, sous le nom de Kornik (Kornigou), ces curieuses brioches faites de farine de froment et sans sucre, dont la forme triangulaire qui rappelle celle d'une ancienne mitre ou d'un bonnet carré, n'est peut-être qu'une tradition de la coiffure évêque de la Cornouaille. Ce mystérieux gâteau coriace et d'une saveur âpre, mais dont l'origine doit être fort ancienne, peut donner une idée de la délicatesse des friandises dont se régalaient nos pères. Lorsque les deux seuls boulangers de Guilers qui sont en possession de vendre encore des Kornik à la foire et le le jour de la fête de Saint Corentin auront payé leur tribut à la loi commune, ce modeste gâteau aura vécu.
Sa durée aura cependant été plus longue que celle du beau temps de ces deux jours de fête. La foire de saint Corentin subissant en effet la règle de l'uniformité est devenue une foire vulgaire qui se tient comme les autres foires le troisième samedi du mois. Quant à la fête du grand saint, elle ne se célèbre plus le 12, mais le dimanche qui suit cette date, et elle passerait inaperçue si les voix joyeuses de toutes les cloches de la cathédrale ne venaient rappeler aux fidèles des souvenirs qui s'effaçent de jour en jour. La conséquence de ces faits a été pour la ville de Quimper la perte de la fête patronale. La saison était du reste assez mal choisie pour des réjouissances au grand air, et cette considération n'a peut-être pas été étrangère au choix qu'a fait la ville en adoptant pour fête patronale celle de Loc-Maria, l'une de ses paroisses, qui se célèbre le 15 août et dure plusieurs jours."