Wik ! wik ! : grincement, couinement... (cf. le verbe
gwigourat = grincer, couiner...)
wek ! (wèk), couic ! (Jules GROS) ;
ouek ! (wèk), couic ! (F. Favereau)
Le char de la mort
C'était un soir, en juin, dans le temps qu'on laisse les chevaux dehors toute la nuit.
Un jeune homme de Tézélan était allé conduire les siens aux prés. Comme il s'en revenait en sifflant dans la claire nuit, car il y avait grande lune, il entendit venir à l'encontre de lui, par le chemin, une charrette dont l'essieu mal graissé faisait :
Wik ! wik !Il ne douta que ce ne fût
karriguel an Ankou (la charrette, ou mieux la brouette de la mort).
- A la bonne heure, se dit-il, je vais donc voir de mes propres yeux cette charrette dont on parle tant !
Et il escalada le fossé où il se cacha dans une touffe de noisetiers. De là, il pouvait voir sans être vu.
La charrette approchait.
Elle était traînée par trois chevaux blancs attelés en flèche. Deux hommes l'accompagnaient, tous deux vêtus de noir et coiffés de feutres aux larges bords. L'un deux conduisait par la bride le cheval de tête, l'autre se tenait à l'avant du char.
Comme le char arrivait en face de la touffe de noisetiers où se dissimulait le jeune homme, l'essieu eut un craquement sec.
- Arrête ! dit l'homme de la voiture à celui qui menait les chevaux.
Celui-ci cria :
ho ! et tout l'équipage fit halte.
- La cheville de l'essieu vient de casser, reprit l'Ankou. Va couper de quoi en faire une neuve à la touffe de noisetiers que voici.
- Je suis perdu ! pensa le jeune homme qui déplorait bien fort en ce moment son indiscrète curiosité.
Il n'en fut cependant pas puni sur-le-champ. Le charretier coupa une branche, la tailla, l'introduisit dans l'essieu, et, cela fait, les chevaux se remirent en marche.
Le jeune homme put rentrer chez lui sain et sauf, mais, vers le matin, une fièvre inconnue le prit, et, le jour suivant, on l'enterrait."
La légende de la mort - Anatole Le Braz