| | La lune | |
| | Auteur | Message |
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Ostatu Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 6623 Age : 57 Localisation : Lutetia Parisiorum Date d'inscription : 09/04/2007
| Sujet: La lune Sam 8 Jan 2011 - 16:13 | |
| "LA LUNE.
Parmi les nombreuses traditions et superstitions relatives à la lune qui existent dans nos campagnes bretonnes, en voici trois qui me reviennent à la mémoire.
Par les belles nuits d'été ou d'hiver, quand la lune, claire et sans nuages, paraît au haut du ciel, on distingue facilement sur son disque certains dessins et figures bizarres où l'imagination de nos paysans croit reconnaître la forme d'un homme ployé sous le faix d'une lourde charge d'ajoncs. C'est ce qu'ils appellent al laer lann — c'est-à-dire — le voleur d'ajoncs.
Cela suppose un conte, et le voici :
Un soir d'hiver, par un beau clair de lune, un seigneur, en revenant un peu plus tard que d'habitude de la chasse, rencontra un sien voisin, assez mal famé, qui portait sur son dos plusieurs fagots d'ajonc sec. Il l'aborda et lui dit : — Tu as pris cet ajonc dans ma lande. — Faites excuse, monseigneur, répondit le paysan, cet ajonc ne vous appartient pas. — Jure-le donc, par la lune que voilà. Et il lui montrait du doigt la lune, au haut du ciel. — Que la lune m'engloutisse, si j'ai pris cet ajonc sur vos terres ! Et comme il mentait et qu'il avait volé l'ajonc sur les terres du seigneur, la lune l'engloutit ; et il y est depuis, condamné à porter éternellement son faix d'ajonc et à servir de leçon aux enfants, à qui leurs pères montrent al laer lann, en leur contant son histoire, pour leur inspirer le respect de la propriété d'autrui, par la crainte d'un châtiment semblable.
On croit encore dans nos campagnes qu'une jeune fille ou une jeune femme qui sort le soir de sa maison pour uriner, ne doit jamais se tourner vers la lune pour satisfaire à ce besoin naturel, surtout si la lune est cornue, c'est-à-dire dans ses premiers quartiers, ou sur le décours. En commettant cette imprudence, on s'exposerait à être loaret ou lunée, c'est-à-dire à concevoir par la vertu de la lune. On cite des exemples de jeunes filles ou de femmes à qui ce malheur est arrivé, qui ont mis au monde des enfants fils de la lune et que, pour cette raison, on appelle loarer, c'est-à-dire lunatiques.
Je ferai remarquer, à ce propos, que les personnes portant le nom de Loarer sont communes en Bretagne ; mais je ne sais si l'on doit rapporter l'origine de leur nom à cette superstition, qui a toujours cours dans nos campagnes, et tout dernièrement encore une femme en parlait devant moi, d'un air très-convaincu.
Dans un de mes contes bretons, intitulé La destinéeI, un moine, passant un soir près d'une maison, à la campagne, entend les cris d'une femme dans le travail de l'enfantement. Il entre précipitamment dans la maison en s'écriant : — Pour l'amour de Dieu, ma pauvre femme, faites tous vos efforts pour retarder le moment de la venue au monde de votre enfant, car la lune est en train de se pendre !
Voici la superstition à laquelle ce moine fait allusion. L'enfant qui naît au moment où la lune est en train de se noyer ou de se pendre, doit se noyer ou se pendre fatalement. Or, dans le peuple de nos campagnes, on dit communément que la lune se noie, quand elle paraît ballottée au milieu de nuages mouvants qui ressemblent plus ou moins aux vagues de la mer ; et elle se pend, lorsqu'elle paraît suspendue par sa corne supérieure à un nuage qui offre quelque ressemblance avec un arbre ou une potence.
Je rappellerai encore à ce propos le proverbe suivant, que j'emprunte à l'excellent recueil de proverbes et dictons bretons que vient de publier mon ami L. Sauvé, sous le titre de : Lavarou Koz Breiz-lzel, et dont la Revue Celtique a eu la primeur :
Kamm, luch, born, Zo ganet indan ar c'horn. Boiteux, louche, borgne, Sont nés sous la corne.
C'est-à-dire, très-probablement, sous la lune cornue, ou le croissant de la lune.
F. -M. LUZEL.
I. Voir Mélusine, col. 323"
REVUE CELTIQUE - Tome III - 1876-1878
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| | | Alexandre Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 438 Age : 54 Localisation : Marly le Roi Date d'inscription : 06/04/2007
| Sujet: Re: La lune Sam 8 Jan 2011 - 20:30 | |
| - Ostatu a écrit:
- Kamm, luch, born,
Zo ganet indan ar c'horn. Boiteux, louche, borgne, Sont nés sous la corne.
C'est-à-dire, très-probablement, sous la lune cornue, ou le croissant de la lune.
Cet adage renvoie au dieu sorcier indo-européen : http://www.arbre-celtique.com/encyclopedie/dieu-sorcier-9205.htmEncore aujourd'hui, Shiva, boiteux et doté de trois yeux, est quasi-constamment figuré avec un croissant de lune dans les cheveux. | |
| | | jeje Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 3489 Localisation : Naoned Date d'inscription : 25/10/2008
| Sujet: Re: La lune Dim 9 Jan 2011 - 13:55 | |
| Je suis assez émerveillé de voir que les bas bretons connaissent Shiva à leur insu! Dumézil , Guyonvarc'h / Le Roux, B. Sergent ont-ils relevé ce fait?
A signaler dans le forum de l'Arbre-celtique. | |
| | | Alexandre Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 438 Age : 54 Localisation : Marly le Roi Date d'inscription : 06/04/2007
| Sujet: Re: La lune Lun 10 Jan 2011 - 0:34 | |
| Mon petit tableau est évidemment une compilation de travaux comparatistes, parmi lesquels j'ai mentionné les travaux de Sergent - lui-même partiellement tributaire de travaux plus anciens. | |
| | | Ostatu Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 6623 Age : 57 Localisation : Lutetia Parisiorum Date d'inscription : 09/04/2007
| Sujet: Re: La lune Mar 11 Jan 2011 - 15:47 | |
| ar c'hann-loar, al loargann... = la pleine lune Carte ALBB 356 La pleine lune : http://sbahuaud.free.fr/ALBB/Kartenn-356.jpgpts 20, 25 : an daouzeged (diwar daouzekvet 'douzième' ?) Quelqu'un connait-il l'origine de cette forme ? | |
| | | Alexandre Major; Mestr; Maestro
Nombre de messages : 438 Age : 54 Localisation : Marly le Roi Date d'inscription : 06/04/2007
| Sujet: Re: La lune Mer 12 Jan 2011 - 8:25 | |
| Pour ar c'hann-loar, le moyen breton cann est clairement à rapprocher du sanskrit candati = briller, en particulier en parlant de la lune. | |
| | | Marc'heg an Avel Admin
Nombre de messages : 7716 Age : 77 Localisation : Lannuon / Lannion. Breizh Izel Date d'inscription : 27/03/2007
| Sujet: Re: La lune Mer 12 Jan 2011 - 10:29 | |
| Une racine *kant-ia = brillante, a été proposée pour la rivière Canche, en Picardie, et pour le Kent, en GB (peut-être dû au reflet des falaises). Mais ce dernier est peut-être en concurrence avec un *caint- = combat. ------------- Extrait de l'encyclo. Canche (Cantia) : fleuve côtier qui prend sa source à Gouy-en-Ternois, et se jette dans la Manche au Touquet-Paris-Plage, après un parcours de 97 km. Il constitue la frontière entre la cité des Morins ( pagus Bononiensis) et celle des Ambiens (pagus Pontivus), baptise huit communes, et arrose Frévent, Hesdin, Montreuil-sur-Mer, Etaples. Il reçoit du côté droit : la Ternoise (à Hesdin), la Planquette (à Contes), la Créquoise (à Beaurinville), la Course (entre Montreuil-sur-Mer et Attin). Étymologie : - DDR : Quantia, IIè siècle. .. racine pré-latine obscure : les formes anciennes de Canche (le qu est répété jusqu'au IXè siècle), comme la présence du n. dans l'Ardèche et l'Orne (où c + a latin devient ch) écartent le gaulois canto-, "brillant", auquel on avait pensé (le protoptype est *Quantia et nom *Cantia). - J. Leroy, Montreuil, p 26 : Canta (Vie de Saint Theodore, VIIIè); Cuens, Cuentawic (Vie de Saint Boniface, 718); Quentawich, ad Quentia Fl. (Chroniques de Fontenelles, IXè). - M. Grandin, Rivières, p 83 : Ciceus, ou Quentia. - E. Vanneufville, Anglo-Saxons et Frisons, p 15 : " ... la Canche ... ou Cantia, pouvait très bien être le fleuve des gens du Kent, le nom de peuple Gaulois, les Cantii, ayant été conservé par les Anglo-Saxons". JCE : autres rivières portant le même nom : Canche, affluent gauche de la Béthune (anciennement Thelle). Elle arrose Canchy ( Cantiacum). ----------------- JCE _________________ "Ne te borne pas seulement à respirer avec l'air qui t'environne, mais à penser désormais avec l'intelligence qui environne tout. La force intelligente, en effet, n'est pas moins répandue partout, et ne s'insinue pas moins, en tout être capable de s'en pénétrer, que l'air en tout être qui peut le respirer".
Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VIII; verset LIV".
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: La lune Mer 12 Jan 2011 - 13:57 | |
| - Ostatu a écrit:
- pts 20, 25 : an daouzeged (diwar daouzekvet 'douzième' ?)
Quelqu'un connait-il l'origine de cette forme ? C'est intéressant. Je ne connais pas l'origine, moi aussi je serai curieux de la connaître. Simples hypothèses: - la durée d'une phase lunaire est d'environ 29.5 jours, comme la Lune est invisible au tout début, le temps où la Lune est visible pour arriver à peu près pleine a peut-être été vue comme correspondant à 12 jours (ou nuits). Donc "la douzième (nuit)". (La base de 6 nuits (3x2) de nouvelle lune semble accréditée par la croyance que la météo change soit 3 jours avant ou après la nouvelle lune.) - les nuits de pleine lune, la Lune brille pendant 12 heures. - 12 est un chiffre de plénitude (cf l'explication du drapeau européen) (et cf l'expression "le plein de la lune"). De ces 3 hypothèses la première me semble la plus plausible. |
| | | Yann-Fañch Racine; Gwrizienn; Root
Nombre de messages : 193 Localisation : Tours Date d'inscription : 20/08/2013
| Sujet: Re: La lune Mar 18 Juil 2017 - 22:52 | |
| - Waoñ Du a écrit:
- Ostatu a écrit:
- pts 20, 25 : an daouzeged (diwar daouzekvet 'douzième' ?)
Quelqu'un connait-il l'origine de cette forme ? Extrait de "Ma beaj Jeruzalem", par l'abbé Louis Le Clerc, 1902 https://br.wikisource.org/wiki/Pajenn:Le_Clerc_-_Ma_beaj_Jeruzalem,_1902.djvu/86(Ils sont sur le bateau, et passent au large de la Crète) " Goude koan e choman pell war ar pont, ’vel kalz a re-all, da zellet al loar o sevel a-uz da Gret : ru-tan eo, nemet eo sautret gant tammo melg, hag he *c’helc’h a zo reiz, nemet eo troc’het eun nebeudig war an tu deo tost d’ar kroec’h, ’vel eun dorz vara voulc’het. ’Benn arc’hoaz ne vo ken ennan troc’h e-bed, rag arc’hoaz en em gav an daouzekved. " Après dîner, je reste longtemps sur le pont, comme beaucoup d'autres, à regarder la lune qui se lève au dessus de la Crète : Elle est rouge feu, simplement tâchée de traces de rouille, et son cercle est complet, à l'exception d'un petit bout en haut à droite, comme une miche de pain entamée. D'ici à demain, il n'y aura plus de bout manquant, car demain, c'est la pleine lune. Je suis assez tenté également par la première explication. Cette expression semble typique du Trégor guingampais. Nota : C'est la 2ème fois que je trouve dans ce texte, que je suis en train de relire pour Wikimammenn, ar kroec’h. La première fois, j'ai corrigé : ar c’hroec’h, mais là, du coup, deux occurences à quelques pages d'intervalle, ce n'est plus un hapax. Bizarre, car l'abbé est à cheval sur la syntaxe (il est l'auteur d'une grammaire trégoroise, adaptée de celle de Guillevic-Le Goff). Dans DEVRI, je trouve la forme er scroec'h, également dans le domaine trégorrois. C'est peut-être là qu'il faut chercher l'origine de cette non-mutation k/c'h. http://devri.bzh/recherche/?q=krec%27h&submit= | |
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