Pronoms objets (dit infixes)

En Léon, il semblerait que le pronom possessif 'da' soit utilisé comme pronom objet infixe depuis au moins le 19ème siècle. Voici des exemples tirés d'Emgann Kergidu (publié en deux volumes en 1877 et 1878) :

"Mat, pa ne glevomp trouz ebet, bezomp fiziañs e Doue. En em astenn war da guchenn golo ha kousk ; me a chomo ur pennad dihun ; an disterañ trouz a glevin, me da c'halvo."

"Mat, me da anavez, liv ar groug, ha bremaik, me hen diskouezo dit."

"Me da gred."

Oui, tout-à-fait, mais c'est quand même une erreur vis-à-vis du système historique. On dirait que c'est à partir du moment où les gens abandonnent réellement le système pronom objet infixe au profit du nouveau système avec des pronoms objet en a- qu'ils commencent à faire ce genre d'"erreur".

Steve

Voici deux autres exemples tirés de Korn an Oaled (1923), recueil de contes (publiés pour beaucoup d'entre eux en 1909) écrits par Kristof Jezegou (natif de Plouneventer, Léon) :

"Mar deuez dirazon hebdi, me da lazo gand da wareg ha da virou."
An Higenn vurzuduz

"Me eo, bremañ, mestr ar hoad hag ar mor. Me da lazo mar dez da enebi..."
An Higenn vurzuduz

Les grammaires normatives considèrent cet usage comme fautif. En tout cas, il n'est pas récent, et n'est pas le (seul) fait des terminal speakers ni des apprenants, puisque des locuteurs natifs devaient assurément le dire au 19ème s.

Je n'ai jamais parlé de terminal speakers. Bien sûr que c'est un usage attesté de locuteurs natifs, mais cet usage est relativement récent - surtout 19e, tout au plus fin 18e, et je persiste à penser que c'est à partir du moment où le système dominant devient celui des pronoms objet postposés en a- que la confusion entre a'zh et da s'installe...

Steve

Pour info :

"Le pronom personnel régime n'est pratiquement plus employé dans le parler de Berrien, notons cependant que le verbe kaoud "trouver" fait nettement exception à cette désuétude.

da-m'howt "me trouver" dam haoud
ou da va 'howt
di 'kowt "te trouver" daz kaoud
ou da də 'gowt
[...]"

Le parler de Berrien - Jean-Marie Ploneis - p.233-234

Là, sur le dernier point, je n'aurais pas analysé cela comme ça:
Pour moi c'est une préposition — da-gaout — qui, tout comme, e-kichen, bete, diwar-benn, war-du... se développe à l'aide des pronoms personnels s'incluant entre les 2 éléments (ou précédé de da pour bete, goude...).
war-du > war ma zu, war da du... e-keñver > em c'heñver, ez keñver...

Ce que je voulais souligner, c'est l'emploi, par endroits, de da da au lieu de da'z (d'az)...

Ah, bon, d'accord!...
Cette façon de faire est assez courante hors Trégor, je crois. En Léon: da va mamm, da da dad, e va zi...

"Oui, tout-à-fait, mais c'est quand même une erreur vis-à-vis du système historique. On dirait que c'est à partir du moment où les gens abandonnent réellement le système pronom objet infixe au profit du nouveau système avec des pronoms objet en a- qu'ils commencent à faire ce genre d'"erreur"."

Je ne vois pas trop le pourquoi du comment de ce point de vue normatif. Une évolution naturelle en langue, attestée chez des locuteurs unilingues, c'est un fait linguistique, ni plus ni moins. Je vois mal comment on peut émettre un point de vue improbateur là-dessus.

Est de Gwengamp :

ces constructions s'emploient de manière indifférente, mais avec une bonne préférence pour les premières :

d'am mamm / da ma mamm
d'az tad / da da dad
'n em zi / 'ba' ma zi

à Plouëc-du-Trieux :

d'ez mamm : à ta mère (prononcé d'ëz mãmm)
d'ez preudeur : à tes frères (prononcé d'ës preudeur)

La préposition da s'y prononce dë (d'où sans doute dë's preudeur, dë'z mãmm)

Désolé de prendre ce fil si tard.
Les pronoms infixes remontent à l'indo-européen. S'ils ne sont vraiment fréquents que dans les langues celtiques et anatoliennes, on en trouve, avec une fréquence plus ou moins importante, dans toutes les familles indo-européennes, sauf peut-être les langues slaves.
Ils sont assez fréquents chez Homère.

Ils sont le produit de l'évolution d'une syntaxe dans laquelle les phrases commençaient toujours par les particules, suivies des pronoms, puis des verbes. Les particules de phrase étant sémantiquement indissociables des verbes, elles ont fini par être ressenties comme des préfixes verbaux, d'où la syntaxe courante par la suite.

Une magnifique illustration de la différence entre grammaire et linguistique : si les grammairiens jugent les pronoms infixes bretons fautifs, les linguistes les voient comme des archaïsmes.

Alexandre a écrit:

Une magnifique illustration de la différence entre grammaire et linguistique : si les grammairiens jugent les pronoms infixes bretons fautifs, les linguistes les voient comme des archaïsmes.

Attention, les grammairiens du breton ne considèrent nullement les pronoms infixes bretons comme fautif. Bien au contraire, les grammaires (normatives) les prescrivent. Ici, c'est l'emploi du pronom da comme pronom infixe en lieu et place de 'z (az, ez) qui est considéré comme fautif.

ex. : me da gar 'je t'aime' au lieu de me 'z kar ('z < az)