Jeannotin a écrit :
- Citation :
- Je n'apprends pas le breton pour le parler avec les mânes d'Abeozen mais pour parler avec les bretonnants de mon village. Cet argument d'autorité est sans valeur ; les néologismes ne sont admissibles que si le mot adéquat n'existe pas déjà en breton, s'ils respectent le sens de la racine sur laquelle ils sont formés et s'ils suivent les processus de dérivation du breton moderne. Or emsawadeg est inutile puisqu'il prétend remplacer ravolt, un mot bien attesté depuis des siècles. Il est inintelligible puisqu'il est construit sur emsaw qui signifie avantageux.
Du reste, les bretonnants sont tout-à-fait capables de raconter l'histoire de leur pays sans avoir besoin de néologismes aberrants, ainsi que l'illustre cet enregistrement que j'ai fait le 9 avril dernier en Kergloff auprès d'un paysan septuagénaire
Si j'ai bien compris, vous apprenez le breton pour le parler avec des gens qui ne
seront plus là dans vingt ans ainsi que vous le constatez vous-même dans un
autre fil !
- Citation :
- Il vaudrait mieux enregistrer les paroles des derniers bretonnants. Les bannières
seront encore là dans 20 ans, eux non.
J'espère pour vous que vous avez encore d'autres raisons d'apprendre le breton, car il
doit être plutôt frustrant d'apprendre une langue qui disparaît au fur et à mesure que
vous progressez dans son apprentissage et que vous ne pourrez sans doute plus parler avec
personne dans quelques années. Vous aurez bien sûr encore la possibilité d'écouter vos
enregistrements qui, comme les bannières, seront encore là dans vingt ans. Mais comme
il s'agit pour vous (ainsi que vous le dites vous-même) de
PARLER avec les bretonnants
de votre village, il vous faudra probablement apprendre à faire tourner les tables dans
l'espoir de pouvoir parler avec leurs mânes à défaut de pouvoir parler avec leurs
descendants auxquels ils n'ont pas pris la peine de transmettre une langue que vous
prenez vous-même la peine d'apprendre pour pouvoir parler avec eux. Ceci me paraît pour
le moins paradoxal, pour ne pas dire absurde. Mais il ne s'agit là que de mon opinion
personnelle que je ne cherche en rien à imposer aux autres. Contrairement à vous, qui
décrétez ex cathedra que certains arguments sont sans valeur alors que vous feriez
beaucoup mieux de vérifier la cohérence et la validité de vos propres arguments.
Je ne considère pas le terme
emsavadeg comme un néologisme aberrant car il est formé
sur une racine en tous points équivalente à celle sur laquelle est formé le terme français
soulevement (se soulever = en em sevel), ainsi qu'à la racine du mot allemand
Aufstand.
Le mot
Stand désigne en effet une position debout et comme il est précédé ici de la
préposition
auf qui indique un mouvement vers le haut, il correspond parfaitement aux
termes
soulevement et
emsavadeg. Et il cohabite très bien avec d'autres termes ayant
la même signification, tels que
Meuterei, Aufruhr et quelques autres encore. Il en est
de même pour le mot
soulevement qui cohabite aussi depuis des siècles avec le mot
révolte.
Tout comme dans d'autres langues, il existe aussi en breton des synonymes que l'on
peut employer parallèlement les uns aux autres. Vous en apportez d'ailleurs vous-même
la preuve dans votre enregistrement où il est à la fois question de
revolussïon et
de
ravolt. Lequel de ces deux termes (empruntés tous deux au français) prétend selon
vous remplacer l'autre ?
Je n'ignore pas que le mot
emsav (ou emsaw) signifie avantageux dans certains dialectes.
Je l'ai toutefois assez peu rencontré car dans le Trégor on emploie plutôt les termes
fonnus ou
lañsus. Voir le corpus de J. Gros :
Ar stlabezadoù bezhin ne vezont ket ken fonnus. (Les débris de goémon ne
sont pas tellement avantageux.)
Ar vilin-mañ a zo difonn da valañ kafe (Ce moulin-là n'est pas avantageux pour moudre
le café).
Un denn hir a zo lañsus (Un long attelage est avantageux - facilite le travail).
Récemment, j'ai aussi entendu des choses de ce genre :
meum ket avañtaj... ;
avañtaj mije
bet... Et j'ai même rencontré sur le présent forum le terme
avañtajus que je ne connaissais
pas encore. De tels emprunts au français -
là où il existe en breton des termes adéquats -
ne sont-ils pas plus aberrants que les néologismes que vous reprochez à Abeozen et autres
écrivains bretonnants d'avoir adoptés alors que maîtrisant parfaitement leur langue
maternelle, dont certains avaient même étudié l'étymologie, ils possédaient la compétence
nécessaire pour contribuer à son évolution. Toute langue vivante évolue et je déplore
que le breton n'ait pas continué à évoluer dans cette voie mais ait suivi une voie qui
l'a mené dans une impasse. Ou comme disent certains à la
croisée des chemins. Cette
constatation est d'ailleurs exacte mais bien attristante car le breton étant de moins
parlé malgré tous les efforts entrepris et tout l'argent dépensé pour le maintenir
en vie, il ne lui reste guère aujourd'hui que le choix entre le chemin du cimetière
et celui du musée où il sera au moins préservé de l'oubli.
Pour terminer, je tiens à préciser que je n'ai jamais prétendu que les bretonnants
étaient incapables de parler de l'histoire de leur pays. J'ai simplement constaté
que vous aviez plus de chance que moi avec vos interlocuteurs en ajoutant que je
ne pouvais parler que des bretonnants que je connais moi-même car je me garde toujours
de généraliser mes expériences. Contrairement à vous qui prétendez que
LES bretonnants
sont tout à fait capables de parler de l'histoire de leur pays, fourrant ainsi tous les
bretonnants dans le même sac alors qu'il en existe encore différentes catégories.
Celà dit, je vous souhaite de continuer à avoir plus de chance que moi et de pouvoir,
pendant longtemps encore, vous entretenir avec vos interlocuteurs de sujets qui n'ont
hélas jamais intéressé les miens.