Yvonne Cadiou voit le jour dans la ferme de Kerhoulo au bourg de La Trinité à Plouzané en 1916.
Parlant uniquement le breton durant ses trois premières années, elle apprend le français par la suite pour pouvoir jouer avec les enfants des propriétaires de la ferme de ses parents. Elle a l'immense chance d'avoir accès à la bibliothèque de cette famille, ce qui éveille dès l'enfance son amour pour les livres. A 12 ans, elle obtient le Certificat d'Etudes et avec 10/10 en rédaction au certificat supérieur, son texte est édité dans le journal " L'Ecole ". Son rêve est alors de poursuivre ses études à Lesneven, pour devenir institutrice, mais la pension coûte trop cher. Après une dernière année scolaire, à 13 ans, elle se consacre donc aux travaux de la ferme.
Mariée en 1937 à Gilles Cadiou, elle vit à la ferme de Kerhouan a Plouzané de 1940 à 1955, subissant les années de guerre, en première ligne durant 3 semaines lors siège de Brest. Son père, devenu aveugle, disparaissant en 1944 à Kerhoulo sous les bombes alliées. Cette période est racontée dans son très beau livre "A l'ombre de deux clochers" aux Editions Nouvelles du Finistère en 1994, véritable hymne à la vie. (épuisé, réédité)
Après le retour a la paix, le bail de Kerhouan n'étant pas renouvelé, n'ayant pas trouvé une autre location de ferme réunissant des conditions vivables pour tous, la famille Cadiou qui comprenait alors 12 enfants, fait l'acquisition d'une grande maison au bourg de St Pierre-Quibignon a Brest, se rapprochant ainsi des écoles. L'adaptation est difficile pour plusieurs, mais particulièrement pour son époux qui, de la profession d'agriculteur, étant son propre patron, devient simple manoeuvre.
En 1960, 15 enfants composent la famille. Yvonne, outre les tâches courantes (17 personnes à table au minimum, 2 fois par jour, cuisinant très bien, étant elle même difficile) s'adonne à la couture, au tricot (elle a usé 3 machines à tricoter. Il faut voir ses cahiers de croquis avec : type de laine, nombre de mailles et de rangs, diminutions apparentes), fait de la dentelle au crochet, mais aussi du jardinage, elle aime les fleurs. Pour suivre le travail scolaire des plus jeunes de ses enfants, elle suit même un cours de maths modernes en 1970.
Mais ce qu'elle affectionne le plus, quelques dimanches après midi, c'est de sortir sa boite de peinture. Toute petite, elle accompagnait un des fils du propriétaire de la ferme de ses parents qui allait peindre d'après nature. Elle était fascinée!.........et c'est devenu une passion familiale que partagent bon nombre de ses descendants. A 63 ans elle s'inscrit dans un cours et durant 10 ans s'adonne à sa passion, oubliant même son repas sur le feu, l'odeur de brulé, la sortant de son nuage. Elle peint à l'huile sur toile, des fruits, des fleurs de son jardin, des goëmoniers, aimant particulièrement dessiner les chevaux. Elle fait même quelques expositions à Plouzané, St Renan, Ploudalmézeau, Carantec.
A 52 ans, elle passe son permis de conduire et avec sa 4L est autonome jusqu'à ses 85 ans, habitant depuis 1977 la ferme de Mescleuziou au Dellec en Plouzané, d'où elle domine la rade de Brest. Elle est alors veuve depuis 1984.
Son second livre, est en langue bretonne, "E skeud daou dour ar barrez", édité en 1998, aux éditions Emgleo Breiz.
La même année, Brud Nevez, publie une de ses nouvelles, "Eur pennad ehan e ti Mari Rouz".
Et puis, plus récemment, Yvonne accumule les proverbes en breton dont elle se souvient surtout la nuit, notant immédiatement, sachant qu'au matin ses souvenirs se seraient échappés. Ce recueuil édité par Emgleo Breiz arrive comme un cadeau pour ses 90 ans, le 31 mai 2006. Cadeau qu'elle fait à ses enfants, ses 40 petits enfants et ses arrières petits enfants, qui ne parlant pas la langue maternelle, lui demanderont encore de traduire.
Décédée en 2007, Yvonne Cadiou est inhumée dans l'ancien cimetière de Plouzané auprès de ses parents et de son époux.
Une vie riche, belle, à l'exemple de la vigne accrochée sur la façade de sa maison; les racines profondes jusqu'au fil d'eau alimentant le puits, les sarments s'étendant sur toute la longueur de la longère, robuste, presque éternelle.
Yvonne Cadiou était ma grand-mère maternelle,
Hyacinthe des Jars de Keranrouë, 2009