Bonjour,
On dit toujours qu'en breton toutes les lettres se prononcent. C'est rarement le cas pour les noms de lieux. On prononce bien -ène pour Pont-Aven (29), Trémeven (29), Rosnoën (29), Kernascléden (56), Erdeven (56), Baden (56), Caden (56) mais dans la grande majorité des cas, ce sera une prononciation en -ain : Lesneven, Elven, Ploeren, Trémeven (22), Trebeurden, Rosporden Rostrenen, Cleden, Melgven, Pleuven, Pleyben, Ploeven, Plougonven, Quéménéven, Saint Méen, Plaudren, Ploeren, Quéven, Chatelaudren, Lanvénégen, etc.
Erwan Valérie pense que la prononciation en -ain provient de l'arrivée dans ces villes et gros bourgs d'une bourgeoisie francophone à l'époque de la Renaissance tandis que l'on aurait conservé dans les petits bourgs ruraux la prononciation bretonne originelle.
Le problème est qu'en français le "en" ne se prononce pas "ain" mais "an". Si la prononciation en "ain" découle d'une francisation, on aurait logiquement dû avoir des terminaisons en "ain", "in" ou "aint" mais pas en "en".
Et il semblerait en outre que jusqu'au 18e siècle, Baden et Pont-Aven se prononçaient Badin et Pont-Avin.
Est-on donc bien certain qu'en breton du 18e siècle ou antérieur, toutes les lettres se prononçaient ?
Le problème se pose de la même manière pour les noms de personnes. En breton actuel, on prononcera tous les prénoms bretons à finale en -en en disant "ène". Or, cela ne vaut quasiment jamais pour les noms de famille qui remontent à d'anciens noms de personnes : Gloaguen, Gueguen, Droalen, Derrien, Rivoalen, etc. Quelques exceptions avec Gourlaouen, Jaouen.
Le nom de famille Audren se prononce en "ain" mais on dira "Aodrenn" pour le prénom : ne s'agit-il pas d'un effet de mode ? D'autant plus que les anciennes graphies pour le nom de famille attestent bien que l'on prononçait une finale en "ain" : Audrain, Laudren, Laudrain, Laudrein, Keraudran, etc.
Enfin, dans le dictionnaire de Grégoire de Rostrenen (1732), les accentuations sont toujours notées. S'il n'y en a pas, il semble que les finales en -en doivent se prononcer "ain". Exemples :
Abeille : guenanen (p. 4)
Golvin : Goulven, Goulc'hen, Goulyen (p. 464)
Lesneven : lès an Even (la cour d'Even) (p. 569)
Lorsque l'on a une prononciation en "ène", Grégoire le marque de plusieurs façons : parfois avec un double n (comète : steredenn), parfois avec un tilde (steredeñ), parfois avec un tréma sur le "e" (laouën), parfois avec un æ acollé (pierre : mæn mais on a aussi les formes maen, mean, meen).
N'y aurait-il donc pas une autre explication que la francisation qui ne me paraît guère convaincante ?
Pierre Yves Quémener