Bonjour Soazig,
L'usage "administratif" de prénoms français dans la zone bretonnante de la Bretagne n'est en aucun cas récent.
Je travaille beaucoup sur des documents anciens concernant la presqu'île de Guérande, zone très proche du pays vannetais d'un point de vue géographique et linguistique.
Ces actes couvrent principalement la période allant de la fin du XIIIe siècle à celle du XVIe, donc lorsque cette région guérandaise était entièrement bretonnante. Les seuls prénoms bretons que j'y ai vus sont, pour les hommes : Pezdron, Oillic, Tudal, Mahe, Gicquel, Herve, Ropertz, Nedelec à une reprise (l'équivalent français Nouel régnant en maître). Pour les femmes, cela va encore plus vite : je n'ai vu, à ce jour, que Plezo au XVe siècle (soit "Blaisette"). Les prénoms les plus fréquents sont français : Jehan ou Jouhan, Jacques, Alain, Julien, Bernard, etc.
Les noms de famille sont également francisés, le plus souvent par simple traduction de l'article défini breton : Le Bazoullec ou Le Bahoullec, Le Gof, Le Bihan, Le Mauguen, etc... Dans deux actes différents, un même personnage peut se trouver dénommé Mahe Le Blaiz et Mahe Le Lou, traduction littérale.
Bref, cela démontre que la francisation administrative des prénoms et noms de famille bretons n'est pas une invention des années 1970, bien au contraire. C'est une invention bien bretonne, remontant au moins à la fin du XIVe siècle.
En revanche, et si je voulais être un peu ironique, je dirais que ce qui a été inventé dans les années 1970, c'est la mode des prénoms bretons fort bigarrés et très peu... traditionnels !
Il suffit de regarder la liste des prénoms donnés ci-dessus. Je n'ai jamais vu personne appeler son fils Oillic, même chez les plus farouches des breizhous. Enfin bref, je ne m'aventurerai pas sur un terrain aussi glissant...
Je finis par une chose importante : ces formes administratives ne correspondent pas à l'usage oral des populations en questions. Il est évident que les innombrables Jehan, François, Bernard, Nouel, Alain de ces actes anciens étaient, dans la vie courante, autant de Yann, Fanch, Bernez, Nedelec, Alan... Nous le savons grâce aux alternances remarquées dans certains actes, comme signalé plus haut.
Ainsi ne sois pas déçue par ce que tu lis dans les actes du XVIIIe, et qui consiste en une francisation de façade : ta famille, si elle usait du breton dans la vie courante, utilisait évidemment des prénoms bretons, ou la forme bretonne des prénoms.
Quant aux noms de famille, c'est un peu une autre question. Qu'entends-tu par "noms français" ? Sont-ce vraiment des noms romans, ou des noms bretons partiellement francisés ? Sache que des noms romans sont très normaux dans la partie gallèse du pays vannetais. Ta famille ne serait-elle pas originaire de la zone de langue romane ?