Les recherches du nom de Carhaix ont été publiées dans le numéro 69, juin 2020, du Kaier arv Poher.
Il s'agit d'un travail de collectage fait par moi-même.
Où l'on voit que les mythes ont la vie dure, même face à des recherches sérieuses.
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* Lobineau (1707) : "Pour Kris il y a l'apparence que c'est Kerahez, autrement Carhais qui est une ville très ancienne, et l'on y découvre tous les jours des restes de sa première splendeur". (Cet auteur évoque la recherche sur Ker-Is, Ville d'Is) (cf Louis Pape, p. A-63).
* Ogée (1780 : Carhaix ou Ker-aes
Longue dissertation, opposant les opinions de Corrret de la Tour d'Auvergne (voir ci-dessous) et de l'abbé Ruffelet à propos d'Aetius.
* Jacques Cambry (1797/1799) : " Carhaix, Keraës, ou Ker-Ahès, est un des points sur lesquels l'érudition bretonne s'est le plus essayée. On a prétendu qu'elle tenait son nom de la princesse Ahès, fille de Conan Mériadec, ou du roi Gralon..."
"... On a pris Keraës pour le Keris des anciens, pour la ville d'Is. Aetius, gouverneur des Gaules, général de Valentinien III, en est le fondateur, suivant le citoyen Corret, dont les recherches sont si précieuses..."
* Chevalier de Fréminville, commentateur critique de Cambry, 1836
" La Tour d'Auvergne, en donnant à la ville de Carhaix une origine romaine, a cédé à cette manie déplorable, trop commune dans le dernier siècle, de vouloir voir du romain partout. Quand reviendra-t-on donc de l'enthousiasme exagéré que bien des gens ont pour ce peuple féroce ! Carhaix n'a pu être fondé par Aëtius puisque ce général romain ne vint jamais dans la Bretagne, et qu'il est démontré qu'en s'avançant à l'occident dans les Gaules, il ne fut pas au-delà de Tours. Donc le nom véritable de cette ville, son nom breton Ker-Ahès (ville d'Ahés) ne peut signifier ville d'Aëtius. Il est infiniment plus naturel et plus probable de penser qu'il vient du nom de la princesse Ahès, seconde fille du roi Gradlon et qui la possédait en apanage. Cherchons donc nos origines chez nous-mêmes et n'allons pas torturer le bon sens et la vraisemblance pour vouloir les trouver chez des peuples étrangers.
(ibid)... L'étymologie donnée par Deric, qui fait venir le mot Carhaix du breton Ker-Heic, qui veut dire perdrix, parce que cet oiseau abonde aux environs, me paraît une puérile'.
* Marteville et Varin (1843) : "Urbs AEsia, Vorgium"
Longue dissertation sur ce qui a déjà été dit sur ce sujet à l'époque. Suivie d'une référence à M. Moët de la Forte-Mason :
" Voici maintenant une nouvelle opinion qui nous paraît fort admissible. Carhaix fut fondé par les Romains, lors de l'occupation de César; sa position au centre de la presqu'île, à l'entrée des Montagnes-Noires et des montagnes d'Arès, explique suffisamment l'importance que dut avoir un tel point aux yeux des Romains. Les débris que l'on retrouve à Carhaix attestent clairement son origine, sa création dans un temps de calme possession, et principalement l'immense aqueduc attribué par Cambry aux Gaulois, comme s'il n'était pas constant que ceux-ci, ne connaissant même pas les ponts, car ce mot manque totalement dans leur langue, connaissaient encore bien moins les aqueducs. — Abandonnée par les Romains, lors de l'insurrection armoricaine, cette ville n'a dû prendre que tard son nom de Kerahès, ou mieux KERAES, car le Ker n'a pas en Bretagne une haute antiquité. — Grégoire de Rostrenen traduit Carhaix par les mots Urbs AEsia; or, bien que nous ignorions la source de cette traduction, nous y trouvons la véritable étymologie du nom qui nous occupe. AEsia est un adjectif de basse latinité, dérivant du substantif œs, qui en latin signifie géneralement omne metallum, et ces mots signifient des lors la ville aux métaux. En effet, Carhaix a dû être, dès le temps des Romains, l'entrepôt de ces riches mines du pays environnant, qui de nos jours sont les admirables exploitations de Huelgoat et de Poullaouen, dont les noms sont européens. — Si les Romains, ce qui est de toute probabilité, ont exploité ces mines, ils ont dirigé vers elles la route principale qui coupait en deux la presqu'île bretonne; et ne faut-il pas voir dans ce fait l'explication du nom d'Ahès que ces routes ont conservé ? Via ad œs est devenu tout naturellement Hent a ès ou Hent ahès, qui en est la traduction, moitié littérale, moitié imitative. — En quelques points, un des chemins qui se dirigent sur Carhaix, traversant une partie des Côtes-du-Nord, porte le nom de chemin de l'Estrat, preuve nouvelle et plus concluante peut-être. Cette voie était sans nul doute ad AEs stratum, d'où AEstrat est le pléonasme local de chemin de I'AEs strat. Ainsi s'explique encore une étymologie jusqu'ici indéchiffrable.Cette opinion si originale, sur la voie de laquelle nous avons été mis par une première observation. de M. Moet de la Forte-Maison, peut s'étayer par d'autres raisonnements. Eisenberg, en Bohème, dont le nom signifie exactement Montagne de Fer, et Eisenhartz, en Styrie, ville célèbre par ses riches mines, ne nous rappellent-elles pas Urbs Aesia ? — Mais il y a plus : à la porte de Carhaix nous trouvons un lieu qui est une attestation vivante des travaux métallurgiques que les Romains ont exécutés dans cette localité : c'est le Minez, dont le nom, imité de minium, signifie mine de plomb. Enfin, pour appuyer notre étymologie sur une autre non moins frappante, nous demanderons si la montagne d'Arès n'a pas elle-même la même origine que KERAES ? Les mines sont situées à la naissance de cette chaîne, et les Romains ont du dès lors l'appeler Mons AErus, d'où les naturels on fait leur Mené-Arès, car ne connaissant pas l'œ ils le traduisent et le prononcent comme a.Un point cependant peut laisser encore quelque doute, et ce point nous le voulons éclaircir. Carhaix n'a t'-il pas été d'abord Vorgíum? Nous n'en saurions douter; et même nous voyons dans ce fait une nouvelle confirmation de ce qµi précède. Vorgium dérive de la même source que Voraginíum, Voraginosum; et des lors il exprime un lieu plein de gouffres et d'ouvertures : or, c'est précisément l'aspect que dut présenter aux Romains ce pays, où sur plusieurs points on exploitait le plomb argentifère. — Cette opinion est nouvelle, et n'a pas subi l'épreuve de la discussion; nous espérons qu'elle ne manquera pas, pour se soutenir, de nouvelles preuves excitées par l'originale direction donnée à cette étymologie".
* René Jouan (1900) : "Les monnaies tyriennes trouvées au Coz-Yaudet, semblent prouver que c'est de là qu'ils se dirigeaient vers le centre de la péninsule armoricaine. D'aucuns pensent que Carhaix était leur station principale et qu'ils nommèrent ainsi ce lieu, en souvenir de Cherem ou Keren, ville tyrienne d'où ils partaient. Le nom de Keres, qui a fourni matière à tant de discussions, trouverait là une explication suffisante. Le changement de m en n et de l'un et l'autre en s est dans l'esprit de toutes les langues orientales"
+ note de renvoi : "Mgr Coupperie, évêque de Babylone, écrit dans les Annales de la propagation de la foi, t. IV, p. 291 : "J'ai passé près de la ville de Haran, nommée depuis Charan et Carhes"
* Anatole Le Braz, dans la Légende de la Mort, (1893, 1902), évoque dans le thème des Villes englouties celui de la Ville d'Is, qui s'étendait de Douarnenez à Port-Blanc. Les Sept-Îles en sont les ruines...". Cela semble répondre à la tradition du moment de rechercher une relation entre Kêr-Is et Carhaix, capitale des Ossismes.
* François Taldir-Jaffrennou (1924) : II. p. 32 : "Les Bretons émigrés donnèrent à la bourgade qu'ils réédifièrent sur l'emplacement de Vorganium, où ils voyaient encore les tours ébréchées de l'ancien Castrum ou Castellum romain, le nom gallois de Caeredd, écrit en latin Caretum (1) qui signifie "Ville forte".
Il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'étymologie fantaisiste Caer Aétius (ville d'Aétius), inventée par le père Grégoire de Rostrenen et reproduite de confiance par Corret de la Tour d'Auvergne, encore moins à Caer Ahès (ville d'Ahès), fille légendaire du roi Gradlon".
note de renvoi (1) : "Il existe en Cornwall britannique un bourg du nom de Carhays situé à 14 km de la ville de Truro, à 5 km de Trégony"
* O.-L. Aubert (1928), au chapitre Triphine et Conomor : "Conomor se trouvait à l'étroit dans sa principauté de Poher et dans sa capitale de Caer-Arhès (Carhaix). (1)
* Francis Gourvil (1970) : "Les historiens et les étymologistes sont loin d'être d'accord en ce qui concerne l'origine et la composition de Caraës, le nom breton de Carhaix, dans lequel la première syllabe Car- n'a rien à voir avec Ker-, conservant régulièrement cette prononciation (Caraïs,Caraeès, Carèz) en zone bretonnante. Voir sur ce point P. Quentel, Revue Internationale d'Onomastique, 1956, p. 256 et suivantes".
* Léon Fleuriot (1982), Origines, p 33 : "... nous savons que Louis le Débonnaire s'en fût (en 818) jusqu'à Brisiaci silva (Briec) où il rencontra Matmonoc, abbé de Landévennec. Il n'était donc pas loin de Carhaix qui peut avoir été le Corophesium de ce texte. L'ennui est que cette ville de Carofes, Carifes est dans la Notitia provinciarum placée chez les Diablintes, avec parfois la glose 'quae alio nomine Aliud uel Adalia uocatur'. Ce problème compliqué semble en relation avec l'origine du nom actuel de Karaes (Carhaix). Toutes les formes Corophes, Carofes, Carifes, sont proches de la forme du 12è siècle, Carahaes. L'existence de la légende du roi Ohes de Carahes a déjà fait supposer qu'une forme *Carohes a précédé Carahes; peut être Corophes, Carofes... sont-ils des formes plus anciennes encore d'un même nom de lieu..."
(ibid), note 87 : à propos d'une autre proposition de Mr Quentel : "Ce serait plausible, si les indices ne concordaient pas en faveur d'une forme -ohes antérieure à -ahès"
* François Moal (1986) :
- p. 27 : "Lorsque les Saxons pénétrèrent dans le Devon actuel, bon nombre de ses habitants, et notamment un groupe de la capitale de la Domnonée insulaire, Caer Isc, devenue de nos jours Exeter et jumelée à Rennes, semble avoir cherché refuge dans un premier temps à Caerhayes en Cornouailles anglaise, puis être venu de là en Armorique fonder Caer Isc sur le site de Vorganium qu'ils savaient abandonné".
- p. 28 : "Ce qui fait pencher pour cette interprétation du nom même de Carhaix, c`est le nom de la rivière qui coule à ses pieds. En effet, la rivière d`Exeter s`appelle Exe, du celtique Esk. Caer Isca Silumm, «la forteresse des Silures sur la rivière›› était le nom romain de Caerleon-Upon-Usk à l'entrée du Pays de Galles, tandis qu'Exeter s`appelait Isca Castrum du temps des Romains, soit également, «la forteresse de la Rivière››, mais cette fois de la rivière des Domnonéens. Cette racine Isk, Esk, Usk, semble indiquer une rivière d'eau pure et vive, poissonneuse sans doute, puisqu'on la retrouve dans le celtique «whisky››, «usque bachah›› en gaélique, qui veut dire «eau brûlante» ou «eau de vie ››, ainsi que dans le mot latin «pisces››, ou breton « pesk››, qui veut dire « poisson ››. A Carhaix la rivière a pu s'appeler Isca Rivus, d`où le nom actuel d`«Hyères» est dérivé. Ce nom a dû lui être donné au temps de l`occupation romaine. Il est naturel qu'ensuite les populations urbaines romanisées venant de l'île de Bretagne aient choisi de s'installer de préférence dans cet ancien site de Vorganium. Selon un processus qui s'est souvent passé dans l`histoire, ils ont appelé cette nouvelle ville du nom de celle qu`ils avaient quittée, «Cer Isc››, qui a donné Ker-Ahesk, puis très vite Kerahès. "* Patrick Galliou et Bernard Tanguy, dans la plaquette Aux origines de Carhaix : "Même si on rencontre la graphie Caer Ahes entre 1081 et 1084, sans doute par référence à la légendaire princesse d'Ahès, femme d'Ohès, seigneur de Carhaix, il n'est pas douteux que la forme en usage à cette époque est Carahes. C'est l'orthographe usitée au XIIè (parallèlement à Karaes, Carh(a)hes et Carhes) et au XIIIè siècle. Cette forme a elle-même procédé de Carohes, variante qui remonte à un antécédent Carofes, transcrit Corophesium par les Annales de Lausanne qui indiquent, à l'année 818, que l'Empereur Louis alla en Bretagne jusqu'à Corophesium. On sait par la Vie de Saint-Gwennolé, écrite vers 880, que cette année là Louis le Pieux, venu combattre le chef breton Morvan, établit son campement au bord de l'Ellé, près de la forêt de Priziac. Homonyme d'une localité de Carofes mentionnée par la Notice des dignités de l'Empire chez les Diablintes, c'est-à-dire en Mayenne, le toponyme est à rapprocher de Charroux (Vienne), noté Carofo sur un triens mérovingien, Karrofum, en 789, Carrofense (monasterium), en 815. C'est de cette forme dérivée Carrofens(em), d'un bas-latin carruvium, issue de quadruvium 'carrefour' et du suffixe latin -en(em), que procède Carofes. Carhaix/Karaez est donc un nom bas-latin se référant à la fonction de carrefour routier de la ville. Ce nom sera conservé par les Bretons, mais ils useront parallèlement de celui de Caer."
* Bernard Tanguy (1990), dans Dictionnaire des noms de communes...du Finistère : "... Devenu après la conquête romaine un important nœud routier, où convergeaient une douzaine de voies, Carhaix ne prit pas, contrairement à la règle qui vit, aux IIIè-IVè siècles, les chefs-lieux de cités adopter le nom du peuple dont ils étaient la capitale, celui d'Osismi, qui échut, pense-ton, à Brest. Mais la ville n'en perdit pas moins son nom de Vorgion pour celui, bas-latin, de Carofes. Attesté aussi au IVè siècle comme nom de lieu de la cité des Diablintes (en Mayenne), le toponyme remonte à une forme Carrofensis. Il s'agit d'un dérivé formé avec le suffixe latin -ensis sur une forme simple Carrofum - à l'origine de Charroux (Vienne) (Karrofum, en 789, Carrofense monasterium en 815) - issue d'un bas-latin carruvium, de quadruvium ' carrefour'. Carofes désigne donc le 'lieu de carrefour'. Devenu Caro(h)es, puis Cara(h)es, le nom sera interprété comme un composé formé avec le vieux-breton caer, ce qui donnera naissance à la légende d'Ohes, seigneur de Carhaix, puis à celle de la princesse Ahes (d'où les noms Chemin-Noe (= Chemin-Ohes), et de Hend-Ahes, donnés à d'anciennes voies rejoignant Carhaix). Cette interprétation fut favorisée par le fait que les Bretons usèrent parallèlement du mot vieux-breton caer 'lieu fortifié' pour désigner la ville, comme en témoignent les dénominations de Poher (Poucaer v.840, Poucher en 871, Poher av. 1108) pour le 'pays', en vieux-breton pou, et de Plouguer pour la forme 'paroisse', en vieux-breton ploe. A côté de Ploguer en 1383, la forme pleine Ploukerkarahes aux XVIe et au XVIIe siècle, pour Plouguer, pourrait suggérer que Carhaix fut initialement désigné en breton sous la nom de Caer Carofes 'le lieu fortifié du carrefour'.
* Erwan Vallerie (1995) : "Caer Ahes, 1081; Carahes, 1146; Carhahes, Caraes, XIIè; Carahes, 1214; Carahais, 1278; Kerahes, 1290; Quarhez, 1305; Kerahes, 1306; Kerahes, Carahez, 1315; Karahes, 1320; Carahes, 1327; Kar heys, 1362; Carhaiz, 1363; Karahais, 1367; Kerhaes, 1368; Kerahaiz, 1370; Carahes, 1371; Carahes, Sancti Tremori de Karahes, 1371; Kerahes, 1378; Karahes, 1381; Carhaix, 1381; Kerahez, 1394; Kaerahees, 1405; Kaerahes, Kaerahez, 1415; Kerahes, 1420; Kerahez, Kerahes, 1422; Karhez, 1457; Guicaraix (anv-tiegezh*), 1457; Karheix, 1460; Keraheix, 1462; Kerahaix, 1466; Kerahez, 1467; Kerahes, 1469; Kerahes, 1488; Carhaix, 1489; Kerahes, 1513; Kerahes, 1516; Carhaix, 1519; Karhez, 1523; Kerahez, 1524; Kerahes, 1536; Carhaix, 1565; Kerahes, 1574; Kerahez, 1591; Quarahez, 1593; Karaes, Keraes, Carès, Kaerais, Kerhahez, Karhez, 1636; Ker-Aes, 1779".
(* anv-tiegezh = nom de famille)
* Gwenc'hlan Le Scouezec (1997) :
" Princesse ou géante, p. 143 :
" Le nom de Carhaix est évidemment celtique. Fut-il donné à la ville par des émigrants bretons des Vè et VIè siècles ? Ne remonte-t-il pas plutôt aux Armoricains de la cité des Osismes, dont la langue était sensiblement identique à celle des Bretons ? Les émigrants, qui étaient chrétiens, ont fondé, aux portes mêmes de la ville et l'enserrant entièrement, un « plou » qu'ils ont appelé Plou-guer, le « plou de la ville », qu'ils n'ont même pas désignée par son nom complet, peut-être pour éviter le souvenir païen d'Ahès.
En effet, la signification du mot Carhaix, en breton Caraës (forme la plus ancienne attestée) ou Kera(h)es, équivaut à « ville d'Ahès ». Ce dernier mot lui-même a-t-il une signification claire ? Pour certains historiens, « Ahès » serait une contraction du nom des Osismes tel que les Bretons, en arrivant dans le pays, l'auraient perçu et Ker-Ahès signifierait alors tout bonnement : ville des Osismes.
C'est faire trop bon marché de la tradition constante du pays, qui voit en Ahès une princesse (ou déesse) légendaire, dont les traces sont nombreuses dans la Bretagne intérieure. Un premier indice nous en est fourni par les toponymes semblables : il y a un hameau de Carhaix entre Rohan et Bréhan-Loudéac, un lieu-dit Corn-Carhai sur les roches de Portsall près de Ploudalmézeau, et un village Caraës dans l'île d'Ouessant.
C'est cette tradition que suivait, au milieu du XVIIe siècle, le jurisconsulte breton Eguiner Baron, lorsqu'il écrivait : "Existat oppidum in comitatu Cornualensi Armoricae Britanniae, ab Ahae gigantis feminae nomine appellation Quer-Ahez, qitod verbum sonat Villa Ahae", c'est-à-dire : « Il existe dans le comté de Cornouaille, en Bretagne Armorique, une place forte que, du nom d'une femme géante Ahès, on appelle Quer-Ahez, nom qui signifie Ville d'Ahès. »
On remarquera que ce texte fait de la princesse une géante. Or le principal personnage qui nous a été conservé de la mythologie locale, dans la mémoire populaire, est précisément un géant, le Gawr, analogue au Gargantua gaulois et proche parent, semble-t-il, du dieu solaire Belen, à moins qu'il ne se confonde avec lui. Ahès apparaîtrait alors comme sa parèdre".
* Éditions Flohic (1998) : "du bas latin carofes, lieu de carrefour, puis interprété par la suite comme venant du vieux breton caer, lieu fortifié, et de la princesse Ahes, fille du roi Gradlon. Plouguer vient du vieux breton ploe, paroisse, caer, ville fortifiée".
* Jean-Claude Even (1998-2016) : reprise du thème Caro(h)ès, lié à celui de Brécilien par l'aqueduc romain de Carhaix, pour identifier la relation entre les Carohaise et Brocéliande de la légende arthurienne.
* Guide Michelin (2000) : "Kaer signifie ville; Ahès désignerait les Osismes, une tribu celte".
* Christian Y.-M. Kerboul (2000) : V. p. 48 : "Au IVè siècle, Vorgium perd son titre et sa fonction de capitale : c'est Brest, au centre du système de défense côtière de la cité, qui reçoit le titre de "Civitas Osismiorum"; Vorgium ainsi dépouillée de sa fonction centrale n'est plus alors qu'un carrefour dans l'intérieur des terres; de là viendra son nouveau nom Carophesium, qui deviendra Carofès : la ville carrefour."
* Daniel Delattre (2004) : "Corophesium au IXè; Kerahes au XIIIè pour Carhaix. Ploguer au XIVè pour Plouguer. Carhaix-Plouguer serait l'antique Vorgium. Carhaix semble tirer son nom du breton "Ker-Ahès". Ahès était une princesse bretonne, seconde fille du roi Gradlon".
* Christiane Kerboul-Vilhon (2004) : III, p. 24 : "Arrivé en Armorique dans le premier quart du VIè siècle, Conomor semble s'être d'abord installé dans l'antique cité de Vorgium, dite Caer Ahes (Caer Haes) ou Carhaix. Ce nom devait lui rappeler le Carhays de Domnonée insulaire dans le comté anglais où il régnait, à 9 miles environ au sud de Truro, tout près de Falmouth. C'est pour cette raison que parmi toutes les étymologies proposées pour l'appellation de Carhaix, on peut penser aussi que ce sont les très nombreux émigrés domnonéens installés là, dont Conomor, qui ont donné à cette ville le nom d'une cité de leur pays d'origine"
* Jean-Yves Le Moing (2007) : au paragraphe Quelques noms purement latins, p. 33 : "Carhaix, longtemps capitale de la cité des Ossismes, a des formes anciennes Carofes et Carahes où ne figure aucun X étymologique... (suit citation de Bernard Tangy)... La finale en -aix fait pourtant supposer une ré interprétation du nom avec axe ou access-".
* Wikipédia (2019) :
Dans une charte signée du comte de Cornouaille, Hoël, pour faire « don d'une villa située près de Caer Ahes, dans laquelle se trouve l'église de sanctus Kigavus (saint Quijeau) », on trouve la forme la plus ancienne du nom de Carhaix, proche et contemporaine de celles mentionnées dans les romans médiévaux. La charte est nécessairement antérieure à la mort d'Hoël (1084). Saint-Quijeau est une ancienne trève rattachée à celle de Plouguer au xiii siècle.
Le nom breton est Karaez (orthographié Carahes au xi siècle dans une charte du comte Hoël, basé sur le préfixe « Kaer » qui signifie « lieu fortifié »). Carhaix est certainement la ville qui se cache derrière le Carahes des textes médiévaux.
À l'époque de La Tour d'Auvergne et au xixe siècle, on croyait reconnaître dans Kaer Ahès, le nom, Ahès, de la légendaire fille de Gradlon qui aurait entraîné Ys dans sa perte.
Les grands chemins menant à Carhaix ont donc été souvent appelés « chemins d'Ohès » ou « chemins d'Ahès » (Bernard Tanguy). Ohès comme Ahès sont proches du nom Hoël. L'identification du lieu Corophesium, mentionné uniquement dans les Annales de Lausanne, fait débat (Carhaix ou Coray ?) pour un des lieux de la guerre menée par Louis le Pieux contre le roi breton Morman. Il se peut que Corophesium ne représente ni l'un, ni l'autre, mais corresponde, comme l'indique Léon Fleuriot dans son livre Les Origines de la Bretagne (1987), à une erreur du scribe.
Bernard Tanguy rapproche Karaes de Carofes, attesté en bas-latin pour le nom de la cité des Diablintes et pour Charroux (Vienne). Ce serait alors un ancien *Carofum/*Carofensis (évolution de quadruvium en carruvium), inscrivant Carhaix dans sa fonction de carrefour routier. Pour lui, le Corophesium où se rend Louis le Pieux en 818 est une cacographie de Carophesium. D'ailleurs, l'association de Charlemagne avec Carhaix dans le Roman d'Aiquin ne pourrait-elle avoir comme source l'expédition de son fils, Louis le Pieux, à propos de laquelle est nommée Corophesium?
La permanence de la fonction de carrefour de Carhaix, jointe à son déclin au Bas-Empire, peut expliquer que, si la ville a été la capitale des Osismes, ceux-ci ne lui ont pas laissé leur nom comme cela a été le cas le plus souvent en Gaule.
commentaires JC Even :
(1) : probablement par imitation des Monts d'Arée (écrits de plusieurs façons, dont Arhès)
Il est possible aussi que par cacophonie et cacographie, Carohès (= Carrouge), soit devenue Ville Rouge, chez Alain Bouchart, d'où la confusion avec Rennes, en ce qui concerne la position de capitale de l'extrême ouest armoricain, à l'époque de Maxime, et la focalisation des recherches du débarquement de Maxime (Maxen Wledig) dans le Léon.
Notons enfin que personne n'a encore osé, pour l'instant, proposer pour Carhaix : le pays des caresses, ou le pays des cerises. (en breton, kerez est le pluriel collectif de kerezenn, cerise)
Le blason se lit comme suit : "d'or au bœuf passant de sable"* "en aour, e ejon tremenant en sabel" (Armorial d'Hozier 1696)
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"Ne te borne pas seulement à respirer avec l'air qui t'environne, mais à penser désormais avec l'intelligence qui environne tout. La force intelligente, en effet, n'est pas moins répandue partout, et ne s'insinue pas moins, en tout être capable de s'en pénétrer, que l'air en tout être qui peut le respirer".
Marc-Aurèle. Pensées pour moi-même. Livre VIII; verset LIV".