Démystification de l'histoire de Bretagne armoricaine. Année 410

Bonjour,

Comme on a pu s'en rendre compte à propos de la confusion Armorique = Bretagne B5, le sujet est encore loin d'être épuisé, même si on peut se rendre compte d'une évolution sensible à ce sujet.

Ainsi en est-il aussi pour une situation du début du 5è siècle, consécutif aux invasions barbares de grande envergure, aboutissant au sac de Rome par Alaric Ier et ses Wisigoths en 410.

Il s'agit de proclamations en G. Bretagne, à partir de 406, qui ont abouti à la création d'un "empire gaulois", sous Constantin III, de 407 à 411, dont la capitale a été Arles.

Voici le texte de Zosime relatant cela en partie :



Texte émanant de Emilienne Demougeot, Scripta Varia (ouvrage de la Sorbonne)

La littérature régionaliste puis nationaliste s'est emparée de ce passage pour laisser interpréter que la Bretagne (B5) identique à l'Armorique immémoriale s'était libérée du joug romain, d'autant qu'en 410, l'empereur Honorius, harassé par les Wisigoths, a répondu aux Bretons de G. Bretagne qu'il ne pouvait pas leur envoyer l'aide militaire sollicitée.

J'apporterai les indications des auteurs bretons qui ont relié cette pseudo affirmation.

C'est tout simplement ignorer que l'empire gaulois de Constantin III, auquel avait adhéré la G Bretagne romaine, n'a duré que 4 ans, de 407 à 411, en s'achevant par les exécutions de Constantin III et ses deux fils, et l'ensemble des provinces séparatistes regagnant le giron de l'empire.

Du reste, une carte apportée sur Wikipédia Brezhoneg, à la page Flavius Honorius, identifie l'Armorique à la Lyonnaise IIIè, capitale Tours, en oubliant ou ignorant qu'elle était issue d'un partage administratif préalable de la Lyonnaise IIème, capitale Rouen.

Bien entendu, beaucoup de Bretons n'accepteront cette démystification que dans longtemps, comme pour l'Armorique.

JCE

Joseph Chardronnet : Histoire de Bretagne. 1965 - 1985 :

p. 26 : "En 410, un appel pressant est lancé à l'empereur Honorius, qui répond à peu près : "Débrouillez vous !"? Ce que ne manquèrent pas de faire la plupart des cités, en se dégageant de Rome en se "barbarisant" sans plus de façons. Seul le sud gardait encore quelque caractère de "romanité"

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Façon édulcorée d'utiliser les propos de Zosime sans les citer.

Ceci n'est que de l'auto-persuasion, contredite par les faits.

Les Britto-romains, chrétiens, ne se sont pas rebarbarisés du tout, ni sur la langue ni sur les moeurs, loin s'en faut.

JCE

A. Chaboseau : Histoire de Bretagne, avant le XIIIè siècle. Editions La Bonne Idée, Paris. 1926.

p. 58 : "Probablement il y eut là une guerre, non pas sociale comme on le prétend, mais nationale. Une tentative, dirigée par les Armoricains, secondée par leurs cousins de l'archipel, et visant à débarrasser notre pays des fonctionnaires, magistrats, officiers, italiens ou italianisés, et de leurs complices indigènes, à restaurer le royaume qu'avaient créé les Postumiens et les Avoniens".

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Sans citer la source ni le texte exact, l'idée est de rappeler qu'il y avait déjà eu une tentative d'indépendance des Gaules à laquelle ont participé les Britto-romains, sous Posthumius, puis Tétricus, dans le 3ème quart du 3ème siècle, et que le calque du début du 5ème siècle était similaire... ce qu'il fut d'ailleurs par l'échec.

JCE

Alain CROIX & Jean GUIFFAN : Histoire des Bretons des origines à 1532. Tome Ier. Dossiers de l'Histoire. Fernand Nathan. 1977

page 39 : "L'île est le premier territoire abandonné par Rome. Toutes les garnisons regagnent les Gaules en 407, après les grandes défaites des l'empereur Honorius sur le Rhin. En 410, inquiets, les Bretons appellent à l'aide; l'empereur reste indifférent ... Aussi, furieux autant que rassurés quand à un éventuel retour des légions, les Bretons chassent les magistrats romains. Ils reviennent au morcellement politique traditionnel et à leurs coutumes nationales. Le danger leur fait parfois accepter, pour un court délai, un chef commun qui n'est en fait qu'un général en chef".

mais, trois lignes plus bas :

"Deux fois encore, entre 417 et 423, Rome accepte d'aider les Bretons débordés. Les légions relèvent le "mur d'Hadrien", conseillent l'union /... Ce sont les derniers rapports entre Bretons et Romains".

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On ne peut qu'être consterné devant un tel aveuglement d'un auteur qui a été considéré sérieux !

Où sont les sources ? Il n'en cite aucune, et ne donne même pas de bibliographie.

Il omet de dire qu' Honorius, bien trop jeune (11 ans) à la mort de son père Théodose Ier , n'a jamais conduit aucune armée, laissant cela à ses généraux, lui-même n'ayant quasiment jamais quitté Ravenne.

Que fait-il des victoires de Stilichon, qu'il ne cite même pas.

Que fait-il de Constantin III et de son empire gaulois, qu'il ne cite même pas.

Quant à l'indifférence de l'empereur face à l'appel au secours des Bretons, il oublie tout simplement que l'Italie était alors en coupe réglée par les Wisigoths, aboutissant au sac de Rome, en 410.

Dans ces conditions, évoquer "l'indifférence" est quelque peu globuleux et/ou inconscient des réalités du moment.

Sur quelles sources se base t-il pour dire que les Romains auraient relevé le Mur d'Hadrien ? avec quels moyens en matériel et en hommes ? On n'est plus à l'époque d'Hadrien ni de Septime Sévère.

Quant aux "derniers rapports entre Bretons et Romains", c'est tout simplement effacer d'un revers de manche le christianisme et son florilège de "saints bretons" de G.B.

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Le problème est que beaucoup d'historiens bretons n'ont fait comme cela que s'inspirer ou se copier les uns les autres, en donnant l'impression de ne surtout pas citer leurs sources.

Et de fil en aiguille, on aboutit à de l'auto-exaltation, qui n'est pas de l'Histoire, et qui ne peut que tromper le lecteur qui n'est pas forcément spécialiste de la question.

Désolé.

JCE  

Merci pour ces éclaircissements, Marc'heg, ils me sont bien utiles dans mes recherches.En effet, c'est une illusion que de considérer un retour aux lois barbares, les lois romaines étaient totalement établies sur nos territoires, et je dirais même qu'en Basse Bretagne et là ou survivaient les Bretons sur le territoire britannique, c'est là qu'elles ont perduré le plus longtemps, et ont résisté aux lois franques ou saxonnes.

Bonsoir Uuicant,

En effet, certains historiens, par exaltation, ont pris des chimères pour des réalités.

Et après, on se demande pourquoi tout est si confus, jusqu'à affubler ces époques de Dark Ages.

En réalité, il suffit de lire l'Histoire selon son fil normal, en évitant de sauter par-dessus les siècles pour chercher des arguments dans des contextes différents, et l'on s' aperçoit que la lecture est plus simple, en ne cherchant pas systématiquement des conflits là où il n'y en n'a pas.

Quelqu'un qui vivait en 410 ne pouvait pas savoir ce qui allait se passer en l'an 700, 800, ou 1000, tout comme nous-mêmes nous ne pouvons pas affirmer ce que nous ne connaissons pas de l'avenir, même proche.

C'est pour cela que le respect de la Chronologie est, après et avec la Géographie, l'une des bases essentielles et incontournables de l'Histoire.

Les erreurs et les postures établies sont lourdes. Il faut donc aussi s'en dégager autant que faire se peut si l'on veut avancer.

Cordialement,

JCE