Colmena signifie
ruche en castillan.
D'après le DRAE :
Quizá del celta *kolmēnā, der. de *kŏlmos 'paja'; cf. bretón kôlôen-wénan, de kôlô 'paja' y wénan 'abejas'.Koloenn-wenan veut bien dire
ruche en breton, même si on dit plus usuellement
koloenn sans préciser :
Ha patra vis(e) gwraet (e)vid kaoud mel ? Beñ vis(e) daw torpilh(añ) ur goloenn ha vis(e) gwraet ga'n heñi vis(e) jujañ vis(e) re-leun, oa ket plass kin d'ar gwen(an) dé labour(a)d ba'r goloennEt que faisait-on pour avoir du miel ? Ben on torpillait la ruche et c'était fait par celui qui jugeait si c'était trop plein, qu'il n'y avait plus de place pour les abeilles pour travailler dans la ruche
(Kleden)https://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2015/09/ha-vise-raet-mel-de-toud-dud.htmlLe sens premier de
koloenn est
panier de paille, où
kolo signifie
paille. Ce mot employé seul est tombé en désuétude en Centre-Bretagne, remplacé par le romanisme
plous, mais il est toujours vivant en Léon et sans doute ailleurs en Basse-Bretagne. Les ruches dont on se servait autrefois en Bretagne étaient en effet de simple paniers de paille. Dans plusieurs langues romanes, la ruche porte également le nom du matériau qui la constitue. C'est le cas du français où
ruche provient d'un mot celtique
ruska qui signifie écorce. Dans
Estudios sobre el léxico romanico, Gerhard Rohlfs compare la répartition des ruches de liège en Andalousie et celle de l'usage dans cette région du mot
corcho (litt.
liège) pour désigner la ruche. Le mot
ruskenn existe également en breton, il serait intéressant de savoir si dans les zones où il est en usage, on se servait de ruches d'écorce plutôt que de paille.
Je trouve que la présence du mot
colmena en espagnol bouleverse assez la compréhension que nous avions des relations entre les langues celtiques continentales (éteintes) avec les langues celtiques insulaires (les langues celtiques modernes). En effet,
koloenn est le
singulatif de
kolo. Dans les langues brittoniques, le singulatif se construit par adjonction du suffixe
-enn sur des mots collectifs pour en tirer un élément singulier (
gwenan : des abeilles,
ur wenanenn : une abeille) ou bien sur des indénombrables (
dir : de l'acier ,
un direnn : un morceau d'acier). Or, on croyait que le singulatif n'existait pas dans les langues celtiques continentales ; ainsi que l'écrit Francis Gourvil p.12-13 de son
Que sais-je :
- Citation :
- La langue continentale, d'une part, les dialectes parlés dans les Îles Britanniques d'autre part, influencés par différemment par les substrats régionaux de pays conquis, et par les langues avec lesquelles ils s'étaient trouvés en contact, avaient acquis des caractères tranchés. Si bien qu'au dire d'un des plus qualifiés des spécialistes,
"rien ne nous autorise jusqu'ici à croire que le gaulois ait eu en commun avec le gaélique et le brittonique quelque-uns des traits les plus originaux qui caractérisent les langues celtiques au regard des autres langues indo-européenns, mais qui n'ont été constatés que dans les dialectes insulaires"
(G. Dottin op. cit. [Manuel pour servir à l'étude de l'Antiquité celtique], p.123)
(...)
Les "traits" auxquels Dottin fait allusion sont principalement les mutations de certaines consonnes initiales dans des cas déterminés ; la modification de certaines voyelles par les consonnes qui les suivent ; la forme triple des pronoms personnels ; le "collectif" souvent utilisé comme pluriel, et dont le singulier n'est alors qu'un dérivé.
Si le mot
*kolmēnā qui a donné l'espagnol
colmena est venu d'une langue celtique continentale (gaulois ou celtibère ?) et est formé de la même façon que le singulatif
koloenn en breton moderne, cela suggère fortement que le singulatif existait déjà dans les langues celtiques continentales. Un signe de plus que la distinction langues celtiques continentales/langues celtiques insulaires n'est pas pertinente ?
Le mot
colmena apporte également un éclairage intéressant sur la question des mots celtiques en latin et dans les langues romanes modernes. En effet, le celtique
*kŏlmos pourrait bien avoir donné le latin
culmus : tige de blé, chaume. Comme l'écrit le
Romanisches etymologisches Wörterbuch :
- Citation :
- 2378. culmus "Halm".
Portg. colmo "Dachstroh" (Span. colmena, portg. colmeia "Bienenkorb") ist morphologisch nicht verständlich, Herleitung aus dem Gall. Diez, Wb. 441 hat in den kelt. Sprachen keine Stütze Thurneysen, Keltorom. 86).
https://archive.org/stream/romanischesetymo00meyeuoft#page/188/mode/2up
2378. culmus "tige".
Portg. colmo "chaume" (esp. colmena, portg. colmeia"ruche") n'est pas morphologiquement compréhensible, dérivé du gaulois Diez, Wb. 441 n'a aucun support dans les langues celtiques Thurneysen, Keltorom. 86).
Deshayes propose cependant le latin
călămus comme étymologie du breton
kolo. Il y a d'autres mots bretons qui sont donnés comme romans par Deshayes alors que les romanistes donnent une origine celtique à leurs cognats dans les langues romanes. C'est, je pense, un signe clair que l'héritage des langues celtiques a été sous-estimé, y compris par les spécialistes du breton.